17/10/2018

La logistique: plus vite, plus près, moins cher !

Author: Bertrand Duperrin

Qui n’a jamais été confronté à une rupture de stock, un retard de livraison ou ne s’est jamais vu imposer une livraison un jeudi entre 8h et 14h ? Souvent mésestimée, la  logistique constitue un élément essentiel de la satisfaction client. Elevé sous l’égide du géant d’Amazon qui prône le « toujours plus », le client est à la recherche constante du meilleur produit, au moindre coût livré dans l’instant et si possible, sans frais. Résultat, les enseignes se livrent une guerre sans merci pour offrir, en exclusivité, de nouveaux services  à leurs clients : Franprix propose de vous livrer directement dans votre réfrigérateur tandis que CDiscount s’engage à vous livrer en 30 minutes. Sans en arriver là, chaque entreprise doit imaginer une stratégie efficace, efficiente et rentable sous peine de perdre argent et clients.

Loin d’être anodine, la question de la logistique ne s’arrête pas à la simple des marchandises. Elle débute lors de la prospection même du client lorsqu’il vérifie la disponibilité du produit qu’il cherche (en magasin, sur le site de la marque ou sur une plateforme).

La logistique comprend trois principaux enjeux :

  • la gestion et la disponibilité des stocks. Un client déçu est souvent un client perdu.
  • La livraison à proprement parler. Quels types proposer ? Et à quel prix ?
  • Le coût et le taux de retour.

Toutes ces questions n’ont pas la même réponse suivant la taille de l’entreprise.

Si les plus artisanales peuvent gérer manuellement l’emballage et l’étiquetage, difficile pour une moyenne ou une grande entreprise de ne pas robotiser tout ou partie de ces tâches. D’autant que le secteur de la livraison connaît un taux croissant de commandes. En 2017, 500 millions de colis ont été expédiés, soit 10,5% de plus qu’en 2016. Selon Bertrand Pineau, responsable veille, innovation et développement de la Fevad, ce chiffre devrait dépasser les 550 millions cette année.

Face à une telle hausse, les entreprises doivent adapter leur stratégie et leur efficacité.

La livraison est (souvent) le seul lien entre le client et un pureplayer qui ne possède pas de magasin physique. Quelque soit l’entreprise et surtout sa taille, l’enjeu de la livraison revêt les mêmes critères : la rapidité, la ponctualité et le choix du moyen de livraison. La transparence de l’échange, sa réussite, sa facilité constituent des facteurs de confiance et de sécurité pour les consommateurs. D’où l’importance de disposer d’un stock sûr et d’un retour facilité.

Quand le stock crée la rupture

La rupture de stock est la hantise de plus d’un commerçant mais aussi des consommateurs. Plus de 8 clients sur 10, en magasin, et 6 sur 10, en ligne, sont confrontés à une rupture de stock dans l’année.  Frustrés, plus d’un tiers d’entre eux, tous canaux confondus, n’hésitent pas à changer d’enseigne tandis que 24% renoncent complètement à leur achat.  elle constitue même la plus grande frustration lors d’un achat. Hors l’insatisfaction pousse inévitablement à se tourner vers d’autre e-commerçant ou magasin physique.

Bénéficier d’une bonne gestion de ses stocks nécessite de connaître ceux de tous ses canaux en temps réel et de faire remonter correctement et instantanément cette information à tous les niveaux : magasins, site e-commerce, plateforme et clients. Rien de pire pour un client que de vérifier la disponibilité d’une paire de chaussures et de ne pas la voir en arrivant en magasin. Des marques comme la Halle aux chaussures proposent d’ailleurs de réserver un produit en magasin pendant 48heures.

Plus question de gérer en silo, c’est à dire, de manière indépendante, tous les canaux. Tous les systèmes, doivent, comme pour les datas, bénéficier de la même qualité d’information au même moment. Les vendeurs doivent s’adapter et pouvoir être capable d’indiquer à un client les magasins de la même enseigne proposant ce modèle ou leur faire livrer, à domicile ou en point relais, le produit requis dans les plus brefs délais. L’exactitude des stocks est primordiale sur tous les canaux.

Autre difficulté, la gestion du click and collect et des drive piéton et voiture. Si leur développement peut sembler anodin, il pose néanmoins une question essentielle : doit-on se fournir directement en rayon quitte à risquer la rupture de stock du magasin ou dans un entrepôt éloigné ?

De même, la réservation en magasin nécessite de bloquer un produit qui ne sera peut être pas vendu mais présente un avantage : ramener le client en magasin est moins coûteux que de le livrer à domicile.

D’où la nécessité de réfléchir et d’établir une stratégie propre à son entreprise, ses besoins et ceux de ses clients.

4 enseignes, 4 stratégies

Les Galeries Lafayette connaissent un taux de rupture de stock particulièrement important concernant les chaussures. L’enseigne a fait appel à la startup française Stockly pour pallier ce problème. Celle-ci permet à un site e-commerce ne disposant pas d’un modèle, de basculer directement sur une plateforme. Le client pense toujours acheter sur le site initial. Les Galeries Lafayette peuvent ainsi proposer une plus grande gamme de produits et de pointures sans risquer de rupture de stock et donc la perte d’une vente et d’un client.

L’enseigne de cosmétique Sephora a lancé son service Sephora Plus, l’enseigne permet aux clients d’accéder à l’ensemble du catalogue via des bornes digitales en magasin. En cas de rupture de stock ou d’absence du produit en magasin, il est directement commandé sur la borne et livré gratuitement aux clients à leur domicile en 48 heures.

Une difficulté reste encore à venir : trouver le produit en magasin. Combien de fois un site internet et un vendeur nous ont assuré que le produit était bien marqué comme « disponible » en rayon sans qu’on puisse l’y trouver? La cause : un mauvais positionnement dans une allée par un client qui a subitement changé d’avis ou un produit encore en attente de rangement au rayon essayage. Pour palier à ce problème, l’enseigne Decathlon a équipé ses produits de puce RFID.

En proposant la rapidité avant tout, c’est à dire la livraison à J+1 dans 80% du territoire, Fnac Darty a dû repenser sa gestion des stocks. Les deux entrepôts principaux, situés à Paris et Lyon, fonctionnent à flux tendu pour fournir les 80 plateformes de redistribution éclatées sur le territoire.

Olivier Theulle, directeur des opérations et des systèmes d’information, explique que le groupe utilise deux grandes plateformes, près de Paris et de Lyon pour alimenter les 80 petites plateformes éclatées sur le territoire. Ensuite le livreur prend rendez-vous avec le client. « Les descentes de commande arrivent en instantanée et plus par groupe. Les tablettes et le GPS permettent aux vendeurs d’optimiser les livraisons. Livreurs et clients savent à quelle heure précise le colis sera distribué » explique Olivier Theulle, directeur des opérations et des systèmes de communication du groupe.

La technologie au service des entrepôts

Intervenant à la Paris Retail Week, Cyril Bourgois, Directeur des opérations chargé de la transformation digitale du groupe Casino, parle avec enthousiasme du futur entrepôt de la marque. En construction près de Fleury-Mérogis, il sera géré par les robots d’Ocado Technology capables de réaliser une commande alimentaire de 50 produits en 6 minutes (3 fois plus vite que la concurrence) et de manière intelligente. Les produits les plus fragiles sont placés sur le dessus et dans l’ordre de livraison des commandes pour optimiser le déchargement. De l’optimisation et de la qualité à tous les échelons pour garantir la satisfaction des clients et la rentabilité pour les commerçants !

OMS et WMS : quelles fonctions ?

Si toute entreprise ne peut pas miser sur un tel degré de technologies, d’autres solutions et prologiciels existent. Le WMS (warehouse management system) est un prologiciel permettant de bénéficier d’une vision précise des stocks et d’optimiser l’espace de stockage. Il peut être complété par un OMS order management system) qui va encore plus loin dans l’optimisation de la gestion des stocks et des commandes.

Il permet de choisir la meilleure solution par rapport à l’attente du client et du commerçant : le produit disponible dans le temps imparti mais aussi dans une boutique proche ou éloigné si celle ci a beaucoup de stock pour éviter de devoir vendre, ensuite, au rabais. Il suffit au vendeur de choisir les filtres qu’il souhaite. L’enjeu consiste à savoir ce que veut le client : pour être livré en une heure, il acceptera de payer plus cher. Le produit sera alors récupéré dans un entrepôt ou un magasin au plus près du client.

Pour Cyril Bourgois « l’OMS est au cœur du multimodal et nécessite une orchestration logistique très difficile avec le système des flux ». Plutôt que de se concentrer sur le développement d’un service, il faut faire preuve de flexibilité pour s’adapter aux solutions qui seront proposées demain.

Le choix de la livraison

« Pendant longtemps le rôle des retailers était de faire de beaux magasins car les gens faisaient leurs courses là-bas » explique Cyril Bourgois. Si le magasin reste le lieu d’achat privilégié des Français, 95% d’entre eux achètent, au moins une fois par an, sur internet. Pour les cyberacheteurs, la livraison est le critère le plus important (62%) devant le produit lui-même (37%) et son prix (14%). En la matière, ils ont des exigences bien précises :

  • 1 client sur 4 aimerait avoir plus de choix quant à la livraison
  • 70% sont prêts à payer 10 euros supplémentaires pour être livrés le soir et le week-end
  • 64% ont déjà rencontré un problème dont 91% de livraison

Les clients aiment avoir le choix entre le click and collect, le point relais, la livraison à domicile en une heure ou sur rendez-vous ou en consigne. Dans tous ces cas, le client espère toujours payer le moins possible, si ce n’est, bénéficié de la gratuité. Si les frais de livraison sont trop élevés, ils n’hésitent d’ailleurs pas à changer d’enseigne, excepté en cas d’urgence où ils sont prêts à payer plus cher. Pour Stéphane Tomczak, président de Deliver, ce service doit être intégré dès le départ dans le business model et donc intégré dans le prix du produit pour pouvoir le proposer au client comme un avantage qui lui est offert.

Autre difficulté : la gestion des flottes de livraison. Si beaucoup d’entreprises font appel à des prestataires externes coûteux, Amazon a décidé de lancer sa propre flotte pour réduire ses coûts. Dans tous les cas, la géolocalisation des commandes et l’information, en temps quasi-réel du client, sont primordiales pour créer un lien de confiance et de sécurité.

La gestion des retours

Souvent oubliée la gestion des retours est pourtant tout aussi importante que celle de la livraison. Selon une étude Métapack 2016, 73% des Français achèteraient plus facilement en ligne si la procédure de retour était simplifiée. Et il faut dire que la gratuité proposée par certaines enseignes comme Zalando, n’a fait qu’accroître l’exigence des clients. Dans le secteur de l’habillement et de la chaussure, les taux de retour sont les plus importants et peuvent atteindre les 25% selon Stéphane Tomczak, En Allemagne, une paire de chaussure sur deux achetée sur internet est renvoyée.

Les clients veulent pouvoir rendre les articles achetés simplement, en point relais, sur internet et surtout, gratuitement ou à moindre frais. De même que pour la livraison gratuite, ce service doit être inclus dans le prix du produit.

L’exemple d’Etam

À peine les congés annuels terminés, Etam annonçait lancer un nouveau service, le Try at home. Les clients bénéficient de 4 jours pour essayer leurs achats et choisir de les garder ou les retourner. Une manière de combattre un frein, à savoir, avancer une somme pour des vêtements qui risquent de ne pas lui aller.

Si le service présente un avantage pour le consommateur, elle oblige la marque française à gérer des stocks incertains et volatiles. Un pari pour la marque qui espère ainsi « attirer de nouveaux clients et les fidéliser en leur faisant vivre une expérience en leur proposant le service le plus pratique » confie Johnattan Attali, directeur e-commerce d’Etam. La publicité, le marketing et le ciblage ne sont donc pas les seuls liens qui entrent dans la bataille de l’attraction, la fidélisation et donc la confiance avec le client.

Les retailers ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce sujet. Des startups ont rapidement compris le potentiel qui se cachait derrière la gestion des retours. Shoprunback propose de s’occuper de cette question pour les e-commerçants. En créant une adresse locale dans chaque pays, elle permet aux clients d’effectuer facilement des retours à des prix très attractifs, en tout cas bien plus qu’avec un retour à l’étranger. Par ailleurs, l’entreprise propose également une version simplifiée et multicanal du retour. Suivant l’accord pris avec l’e-commerçant, le consommateur peut se contenter de prendre en photo le produit et l’identifier sur l’application avant de choisir un mode de retour : en boîte aux lettres, en point relais, en magasin ou sur rendez-vous avec un livreur.

Créer un lien de confiance et de sécurité entre le client et le retailer est un des enjeux les plus difficiles à mettre en œuvre pour les e-commerçants. Le manque de contact humain et la complexité des procédures freinent clairement les potentiels cyberacheteurs. Pour attirer de nouveaux clients et surtout les fidéliser, l’expérience et les services doivent être simples, efficaces et fiables. La logistique, souvent analysée d’un point de vue simplement technique, doit également être pensée comme une part de l’expérience client.

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